D’abord directeur des opérations puis Directeur Général de la Bank IBDAA, depuis 2015, M. Souleymane MamoudouTHIOUB est économiste, expert en Microfinance, agréé auprès des tribunaux de Mauritanie depuis mai 2007. Avant d’entrer à IBDAA, il a occupé les fonctions de directeur du développement et d’exploitation du réseau des caisses populaires d’épargne et de crédit (PROCAPEC) puis de directeur des Caisses de TevraghZeina. En plus de ses charges à la Bank AL- IBDAA, M. Thioub préside l’Association des professionnels de la Micro finance de Mauritanie(APROMI).
Amateur de la lutte, Souleymane Thioub a également présidé, pendant 8 ans,la fédération mauritanienne de lutte traditionnelle (FML). Il de ce fait été élu vice-président du Comité National Olympique de Mauritanie (CNOSM)
Dans cet entretien, il lève le coin du voile sur la microfinance, un secteur en pleine expansion en Mauritanie et l’institution qu’il dirige.
HORIZONS : La micro finance occupe une place importante dans la lutte contre la pauvreté. Pouvez-vous nous dire en quoi elle consiste ? Quelles sont les conditions pour exercer cette activité ?
Souleymane Thioub : Tout d’abord, je tiens à vous remercier pour l’importance accordée à notre institution et au secteur de la Microfinance de façon générale.
Pour revenir à votre question, la microfinance est un démembrement du secteur financier non bancaire, qui s’occupe de l’intégration des pauvres économiquement actifs et exclus du système bancaire classique, faute de garantie et autres, dans le développement système économique et social, en leur offrant une gamme de produits et services financiers de grande qualité et adaptés à leurs besoins, incluant non seulement le crédit mais aussi l’épargne, l’assurance et les transferts de fonds.
Historiquement, la microfinance fait surtout référence au micro-crédit qui se limitait à l’octroi de petits crédits à des personnes pauvres mais économiquement actives, afin de les aider à améliorer leurs conditions de vie.
La Microfinance, telle que nous la connaissons aujourd’hui, a été popularisée par Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix en 2006. Le Dr Yunus, dit le « banquier des pauvres » a été le fondateur de la première institution de microcrédit, la Grameen Bank en 1976 au Bengladesh.
Chez nous, la Microfinance est régie par l’ordonnance N° 005/2007 du 12 Juin 2007 portant règlementation des institutions de Microfinance (IMF) en Mauritanie, les, les IMF ont comme tutelle technique la Banque Centrale de Mauritanie qui en assure la supervision et le contrôle, ladite loi ainsi que ses textes d’application, notamment l’instruction 07,08,09, 08,09 et 010 qui déterminent les trois catégories d’institutionsde Microfinance ainsi que les conditions de leur création.
Le secteur semble prendre un essor dans le pays. Comment est-il structuré ?
-Effectivement, bien vrai que le secteur de la Microfinance est relativement récent dans notre pays, puisque les premières institutions ont vu le jour dans les année les années 90, on peut dire que le secteur de la Microfinance est aujourd’hui en effervescence et en pleine expansion au vu du nombre d’IMF en activité qui atteint 31 IMF, agréées par la Banque centrale, réparties entre les catégories suivantes :
- La catégorie (A) qui regroupe les Mutuelles d’épargne (les coopératives financières) et de crédit (les coopératives financières qui sont au nombre de 12 IMF actives.
- La catégorie (B) qui regroupe les sociétés Anonyme de Microfinance, qui sont au nombre de 18 IMF actives réparties en deux sous catégories (i) la catégorie (B) qui collecte de l’épargne dont le capital social est fixé à 50 millions MRO (5 millions MRU), (ii) la catégorie (B) qui ne collecte pas de l’épargne dont le capital est de 25 millions MRO (2,5 millions MRU)
- La catégorie (C) qui regroupe les projets et programmes, associations de développement qui disposent en leur sein d’un volet dédié à la microfinance. Cette catégorie ne collecte pas de l’épargne, sauf celle destinée à garantir les prêts octroyés (garanties financières sous forme d’épargne nantie)
Toutes ces trois catégories confondues sont régies par l’ordonnance N°005/2007 du 12 Juin 2007 portantréglementation des IMF, établissements de Microfinance en Mauritanie, et aucune de ces trois catégories ne peut exercerl’activité de Microfinance sans obtenir, au préalable, l’agrément de la Banque Centrale de Mauritanie.
–Vous êtes à la tête de l’une des institutions de la micro finance en Mauritanie, en l’occurrence la Bank IBDAA. Pouvez-vous nous expliquer les raisons qui ont poussé cette banque à investir en Mauritanie et ce qu’en tire le pays comme profit ?
La BANK AL-IBDAA (Créativité) pour la Microfinance Mauritanie est une institution de Microfinance de catégorie B (une société anonyme qui collecte de l’épargne et distribue des financements) à but non lucratif; elle est née de la vision de son Altesse Royale le défunt Prince Talal Ben Abdel Aziz, qui à travers son organisation AGFUND (Programme du Golf Arabe pour le Développement), avait décidé, entre autres, de lutter contre la pauvreté dans le monde, par la création d’institutions financières spécialisées dans le domaine de l’inclusion financière des pauvres, qu’il appela « les banques des pauvres », ceci avant de changer l’appellation et d’opter pour le label de « BANK AL-IBDAA pour la Microfinance ». Les démarches de l’état Mauritanien par le biais du Ministère des affaires économique et du développement ex (MAED) ont été couronnées par la création de AL-IBDAA pour la Microfinance en Mauritanie, qui est donc le fruit du partenariat entre le Programme du Golf Arabe pour le Développement (AGFUND), l’état Mauritanien représenté par le Ministère de l’économie et des finances, ex Ministère des Affaires Economiques et du développement (MAED) et des partenaires privés nationaux et étrangers Arabes. Et Pour plus d’infos sur ce partenaire stratégique, je renvoie vos lecteurs au site : www.agfund.org.
Alors, créée en 2014, suivant l’arrêté N° 063/GR/2014 du20/05/2014 du Gouverneur de la Banque Centrale de Mauritanie, AL-IBDAA pour la Microfinance est la 9eme Institution ouverte par AGFUND à travers le monde, et la troisième en Afrique, après celle du Soudan et de la Sierra Léone ; du coup elle est régie par l’ordonnance N° 005/2007 du 12 Juin 2007, et ses textes d’application, portant réglementation des institutions établissements de Microfinance en Mauritanie.
AL-IBDAA pour la Microfinance a lancé ses activités en Mars 2015 avec un Capital social initial entièrement libéré de 2,76 millions de dollars Américain), soit 835 millions MRO, de cette date de lancement de ses activités. Et au mois de Juin 2020, AL-IBDAA pour la Microfinance a financé 47 mille projets dont 80% au profit des femmes, pour une enveloppe globale de 6,5 milliards MRO. Par conséquent, on peut affirmer, sans risque de se tromper qu’AL-IBDAA pour la Microfinance a pu contribué, de manière significative, aux efforts de l’état mauritanien dans la mise en œuvre de sa stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et le chômage.
–Quelles activités cible IBDAA ? De combien de clients dispose-t-elle justement aujourd’hui, et combien elle a investi ?
-La mission d’AL-IBDAA consiste à aider à l’amélioration des conditions de vie économiques et sociales des personnes Mauritaniennes vulnérables à faible revenu, en particulier les micro et petits entrepreneurs, en donnant la priorité à l’autonomisation des femmes, en leur offrant un ensemble de produits et services financiers et non financiers durables adaptés à leurs besoins, ce qui fait de IBDAA « Créativité »une institution de Microfinance de premier plan en Mauritanie. En juin 2020, AL-IBDAA compte plus de 32 mille clients dont 80% femmes, 560 millions MRO d’épargne pour plus de 26 mille épargnants, et un portefeuille de crédit encours de plus de 1 milliard MRO pour plus de 13 mille clients actifs
–Pour bénéficier de prêts, combien doivent épargner les clients ? Et quel est le taux d’intérêt appliqué par IBDAA ?
-AL-IBDAA pour la Microfinance Mauritanie dispose d’une politique de crédit très flexible qui s’adapte aux réalités de ses clients cibles. Ainsi, pour pouvoir bénéficier de ses services financiers, le postulant doit remplir les conditions d’éligibilités édictées par sa politique de crédit, qui détermine les conditions que doit satisfaire tout prétendant au crédit, selon le type de projet à financer, sachant que pour chaque montant du prêt, l’apport personnel du bénéficiaire (épargne nantie). La marge appliquée, est en fonction du projet à financer. Nous attirons votre attention sur le fait que AL-IBDAA qu’AL-IBDAA pour la Microfinance Mauritanie est une institution qui fonctionne selon le mode Islamique à 100%. Et pour plus d’informations, nous vous demandons de bien vouloir visiter notre site à l’adresse suivante : www.ibdaa.mr
–Les clients d’IBDAA remboursent- ils bien leurs prêts ? A quel niveau s’élève le taux des remboursements aujourd’hui ?
R : Alhamdou lillah, avant l’arrivée de COVID-19, les clients d’AL-IBDAA remboursaient convenablement, puisque notre taux de remboursement oscillait entre 95 et 98%, mais avec la pandémie de la COVID-19, les choses ont changé ; nous espérons cependant qu’avec l’appui des partenaires techniques et financiers, la BCM et l’état Mauritanien, nos IMF arriveront à surmonter les difficultés opérationnelles liées aux méfaits decette pandémie mondiale.
–Combien IBDDA emploie-t-elle de personnes ? comment elles sont recrutées et rémunérées ?
-En ce mois de juin 2020, AL-IBDAA pour la microfinance emploie 112 personnes à temps plein, dont 35% femmes, pour 7 agences dont 6 à Nouakchott, et 1 à l’intérieur du pays, en milieu rural.
Pour le recrutement de nos employés, à l’ouverture en 2014, un appel à candidature avait été lancé dans les médias et un test fut organisé pour le recrutement du noyau composé du Directeur du projet, le Directeur des opérations, le Directeur Administratif, le Directeur financier et le Directeur de l’informatique, en plus d’une vingtaine d’agents de crédit, tous des diplômés chômeurs.
Après le démarrage des activités, nous avons signé un protocole de partenariat avec l’ANAPEJ (Agence Nationale d’Appui à l’Emploi des Jeunes) dans le cadre de sonprogramme Khoutwa (formation insertion) ; ce protocole consiste à faire appel à l’ANAPEJ au début de chaque année, pour la fourniture des stagiaires bénéficiaires du programme Khoutwa afin de les former et les recruter par la suite dans notre institution selon notre besoin. Et pour la rémunération, AL-IBDAA dispose d’une grille salariale attractive adoptée par son conseil d’administration. Cette grille salariale a été déterminée en fonction des réalités du pays, en termes de concurrence, de l’inflation, de la sécurité sociale, de la CNAM, bref tous les éléments qui contribuent à la fidélisation et au bien-être de nos employés, ce qui fait de AL-IBDAA Mauritanie l’une des IMF Mauritaniennes la plus convoitée par les ceux qui (re)cherchent les emplois.
–La concurrence doit être rude dans le secteur de la microfinance en pleine expansion, comment IBDDA s’en sort elle ?
-Effectivement, dans le marché de la Microfinance, la concurrence est de taille, par conséquent seules les IMF les plus performantes en termes de qualité de services offerts aux clients/adhérents sortiront de ce bourbier. Pour sa part, AL-IBDAA pour la Microfinance Mauritanie se distingue des autres IMF sœurs par la qualité de ses services qui prend en considération sa double mission d’institution financière qui veut atteindre des objectifs sociaux. Nous mettons à la disposition de notre clientèle une gamme de produits et services financiers adaptée à leurs besoins, sachant que notre taux de fidélisation dépasse les 95%.
–C’est quoi l’APROMI que vous présidez ?
-APROMI, c’est Association des Professionnels et Opérateurs de la Microfinance ; elle regroupe toutes les institutions de Microfinance en activité et agréées par la Banque centrale de Mauritanie citées plus haut, en vertu de l’ordonnance N° 005/2007 portant réglementation des établissements de Microfinance en Mauritanie. L’Association a pour objet de :
-contribuer à l’émergence progressive de stratégies communes pour la diffusion et la pérennisation de la microfinance en Mauritanie,
-représenter ses membres comme interlocuteur collectif, crédible auprès du Gouvernement, du secteur privé, des établissements bancaires et financiers, des bailleurs de fonds, des partenaires au développement, etc.,
-servir de cadre d’études, d’analyse, de réflexion, de recherches relatives à la Microfinance,
-servir de cadre d’identification, de mobilisation des ressources financières, de formation au profit des IMF, de leur personnel et de tous les acteurs intervenant ou accompagnant le secteur,
-veiller au respect par les IMF de la réglementation en vigueur et du code de déontologie de la Microfinance,
-créer et consolider les rapports étroits permanents et utiles entre les membre et assurer la complémentarité entre les membres.
-améliorer la crédibilité des IMF
-gérer une base de données sur les compétences internes aux IMF membres pour assurer des prestations à la demande
Je suis à la tête de cette importante association professionnelle depuis octobre 2015, je suis dans mon second et dernier mandat qui prendra fin en Avril 2022.